Bochra Manaï (Ph. D. études urbaines, 2015)
Commissaire, Bureau de lutte contre le racisme et les discriminations systémiques, Ville de Montréal


Préoccupée par les enjeux de racisme et d'inclusion, « j'aime utiliser le savoir pour transformer. La société peut avancer avec la science, mais les connaissances doivent être accessibles à tous ».

Les enjeux de racisme et d’inclusion mobilisent Bochra Manaï. Cette pionnière qui fait des vagues pour sa nomination comme première commissaire à la lutte contre le racisme à Montréal affirme que l’INRS lui a « ouvert la porte du Québec ».

En quête d’une perspective inclusive, elle a dévoré les publications d’Annick Germain sur Montréal comme laboratoire de cosmopolitisme. C’est sous sa direction qu’elle réalise sa recherche doctorale, qui deviendra ensuite un livre, Les Maghrébins de Montréal (PUM, 2018). « J’étais intéressée par les questions de “race” en géographie, les migrations, la cohabitation et l’altérité dans l’espace urbain. Ce sont des aspects qui n’étaient pas analysés autant en France, mais qui l’étaient plus ici. »

Arrivée au Québec comme résidente permanente en 2009, Mme Manaï s’est tissé un réseau au fil de ses études doctorales. Ses premières amitiés se sont créées à l’INRS. La professeure Germain l’a mise en lien avec des institutions et organismes communautaires : « c’était ma fenêtre sur Montréal, sur le Québec, bref, mon réseau de socialisation ». Mme Manaï gagne leur confiance et s’y engage comme chercheure.

Sa carrière se poursuit en jumelant recherche et terrain, pour mieux saisir la ville et les enjeux d’altérité. « J’aime utiliser le savoir pour transformer. La société peut avancer avec la science, mais les connaissances doivent être accessibles à tous », dit-elle. C’est pourquoi elle tient à publier ses travaux. « Comme femmes chercheures, on n’a pas les mêmes conditions. Nous devons écrire et publier malgré certaines charges mentales et familiales. Et comme femme racisée, c’est essentiel pour moi de laisser une trace de mes travaux dans l’espace intellectuel, universitaire et institutionnel », ajoute-t-elle.

Après avoir postulé à quelques reprises pour devenir professeure, un processus qui s’est avéré « long, difficile, voire parfois humiliant », et après avoir eu un enfant, elle a revu ses priorités. Elle a coordonné la Table de concertation jeunesse de Montréal-Nord, puis dirigé Parole d’ExcluEs, qui lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale à Montréal-Nord. Elle y alliait recherche-action et mobilisation citoyenne.

Elle entame son rôle de commissaire dans l’administration municipale, sur « un enjeu hautement politisé, dans une année électorale », avec « une écoute sans bornes ». Elle compte y appliquer sa vision de « géographe antiraciste ». Selon elle, « on ne peut penser aux politiques publiques sans réfléchir à la façon dont elles se déploient sur le terrain, compte tenu des réalités sociales, raciales et migratoires ».

Si c’était à refaire? « Je referais un doctorat en études urbaines à l’INRS. » Elle souligne deux leçons. D’abord, « la capacité à transformer son milieu que procure la recherche », grâce à la « capacité d’analyse et aux habiletés qu’on développe pour mettre en lien diverses idées et différents milieux d’intervention». Ensuite, « pour les étudiants racisés, il faut encore plus de persévérance », dit-elle. Mais elle les encourage : « Foncez ! Révélez vos expériences. On se sent parfois un peu seul, mais il faut toujours trouver la fenêtre vers la lumière », conclut-elle.

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