Sandra Imbeault
Doctorat en sciences de l’eau, 2005
Chimiste et microbiologiste agréée,
Service de la gestion de l’eau, Division Laboratoires, Ville de Laval
« L’INRS, c’est une belle famille. Je remercie tous ceux et celles que j’y ai côtoyés et j’espère avoir à nouveau le plaisir de brasser des neurones ensemble dans l’avenir. »
Originaire de la Gaspésie où elle a dévoré les romans classiques de toutes les bibliothèques qui croisaient son chemin, Sandra Imbeault est une citoyenne dans la cité. Formée en microbiologie et en philosophie, elle s’intéresse et réfléchit au rôle du scientifique dans la société. Titulaire d’un doctorat en sciences de l’eau de l’INRS, elle est responsable des analyses microbiologiques du réseau d’eau potable de la Ville de Laval depuis 2010. Curieuse et engagée de nature, la citoyenne, la philosophe et la scientifique sont trois facettes imbriquées de son être, comme chez les Grecs anciens.
Après avoir complété un DEC en chimie analytique au cégep de Rimouski et un baccalauréat et une maîtrise en microbiologie appliquée à la médecine dentaire à l’Université Laval, elle s’est mise à la recherche d’un professeur pour superviser sa thèse sur les bactériophages. C’est un reportage télévisé à « The Nature of Things » sur les virus bactériens qui lui a donné le goût de tenter de prévenir les infections chez les poissons d’élevages. Elle souhaitait mettre au point un traitement préventif en ajoutant à l’eau des cages de transport des virus qui ciblaient précisément des populations bactériennes présentes dans l’eau lors des déplacements des poissons . En effet, la peau, les écailles et les nageoires des poissons subissent des blessures qui, lorsque colonisées par des bactéries de la flore normale de leur environnent, causent des infections. Ces dernières rendent l’individu atteint vulnérable aux attaques de ses congénères en plus de favoriser l’établissement d’infections dans la population entière qui peut mettre en péril un lot de nouveaux arrivants aux installations de l’éleveur.
C’est le professeur Jean-François Blais qui l’a accueillie au Centre Eau Terre Environnement de l’INRS, avec son projet « assez crinqué », selon elle. Il a été « vraiment super », dit-elle. « Il a été là à 100%, il m’a soutenue, même financièrement, il m’a fait confiance, il m’a permis de travailler, tout en développant ma débrouillardise, puisque mon laboratoire était au Biodôme de Montréal. J’utilisais des bactériophages de l’Université Laval avec l’aide du Dr Ackermann, je m’appuyais sur l’expertise de collègues en médecine vétérinaire à l’Université de Montréal, je faisais mes comptes rendus à mon superviseur à l’INRS à Québec et mes essais ont été effectués sur les poissons du Biodôme à Montréal. J’étais un satellite qui se promenait partout », résume celle qui n’a « pas peur d’être différente des autres ».
« Je me souviens bien de Sandra qui a été une de mes premières étudiantes au doctorat. C’est une personne très dynamique avec une multitude de talents et qui possède beaucoup de courage et de volonté. En fait, c’est le genre de personne qui peut réussir dans tout ce qu’elle entreprend. Elle est également une personne très gentille et qui est très agréable à côtoyer. »
– Jean-François Blais, professeur expert en assainissement et décontamination à l’INRS
Après ses études, elle a entrepris un post-doctorat en philosophie pour se concentrer sur l’éthique environnementale. Un an et demi plus tard, elle est devenue enceinte et a interrompu son projet, mais a publié en 2016 un ouvrage de philosophie pour tous intitulé La déresponsabilisation divine, aux éditions Jets d’encre. Mère monoparentale bardée de diplôme, elle a travaillé comme réceptionniste dans un salon de beauté durant 18 mois, un poste qui lui offrait des horaires flexibles pour s’occuper de son garçon. Une fois une place en garderie obtenue, elle a appelé le professeur Blais qui l’a mise sur la piste de trois emplois auxquels elle a postulé. « J’ai été appelée pour les trois postes! », dit-elle fièrement. Elle a accepté un emploi peu lucratif dans un laboratoire d’analyse situé dans Lanaudière, où elle a travaillé à un rythme d’enfer, mais en apprenant tous les rouages d’un laboratoire d’analyses qui l’aideront à décrocher son poste actuel. « Si je n’avais pas travaillé au quotidien dans un labo accrédité, je n’aurais pas su quoi répondre aux questions d’entrevue. Cet emploi-là m’a donné les clés pour réussir. »
Peu après, le processus de sélection à la Ville de Laval s’est poursuivi et on lui a offert le poste. Elle est devenue la seule microbiologiste de la ville et y a revampé le laboratoire, développant une technique, formant le personnel, révisant les paramètres de gestion de la qualité et permettant d’effectuer quelques milliers d’analyses d’échantillons par année, sur des matrices allant des eaux de tours de refroidissements aux eaux de rivières, en passant par l’eau potable, en physico-chimie et en microbiologie. Son travail soutenu a permis au laboratoire de participer entre autres à des projets pour le Programme d’excellence en distribution de l’eau potable et d’améliorer l’entretien des tours de refroidissement. Quelques projets de recherches avec Polytechnique Montréal l’ont aussi gardée active sur le plan de la recherche et permis d’être citée dans des publications. Au Service de la gestion de l’eau, Division Laboratoires, de la Ville de Laval, elle gère maintenant une équipe et est toujours responsable de la science, de la biosécurité et du contrôle de la qualité de l’eau sur le territoire lavallois.
Son fils ayant grandi, elle a plus de temps pour prendre un pas de recul et s’intéresse à l’effervescence de l’INRS. Elle s’est d’ailleurs jointe au comité de gestion de la nouvelle chaire de recherche partenariale en ingénierie du microbiome pour des applications environnementales et agroalimentaires du professeur Philippe Constant au Centre Armand-Frappier Biotechnologie à Laval. Les travaux de la chaire financée par la Ville de Laval visent de meilleures compréhension et utilisation des communautés microbiennes du sol, de l’eau, des plantes et des bioprocédés alimentaires. En sortant de la conférence qui annonçait le lancement de la chaire, en mai 2023, elle s’est dit qu’elle avait « trouvé sa famille », tellement elle a senti des affinités avec les scientifiques qu’elle y a rencontrés et avec qui elle a entrepris de riches échanges. Elle est emballée par cette nouvelle avenue de recherche. « Le microbiome, c’est le seul règne naturel dont l’humain n’a pas encore abusé. On a bousillé les ressources comme les végétaux et les animaux, sans parler des humains. Il faudrait bien être respectueux cette fois-ci », avance-t-elle.
Elle mijote d’ailleurs d’autres collaborations avec le professeur Constant, dont le projet de donner des ateliers aux étudiantes et étudiants de l’INRS pour favoriser la réflexion et mettre en perspective le rôle de la science dans la société en général et dans la prise de décision en particulier, afin d’assurer un avenir durable. « Les chercheurs doivent avoir une intégrité irréprochable et avoir une voix plus forte que les comptables dans la société, pour l’avenir de l’humanité et de son écosystème », affirme-t-elle.
Prônant une meilleure culture générale et la fin de la surspécialisation, notre diplômée est heureuse de voir que les universités se positionnent de plus en plus sur les questions de politiques publiques. Le message qu’elle souhaite communiquer à la relève scientifique est le suivant : « Vous n’êtes pas que des travailleurs, vous êtes d’abord des penseurs ».
Elle salue au passage son ami Jean-Daniel Bourgault, bibliothécaire au Centre Eau Terre Environnement de l’INRS, qui l’a « soutenue et nourrie de lectures », depuis le début de son parcours et encore aujourd’hui. « L’INRS, c’est une belle famille. Merci à tous et au plaisir de brasser des neurones ensemble encore dans l’avenir », conclut-elle.
[Propos recueillis en juin 2023.]